Chapitre 9: Activités des années cinquante.

Le résultat des élections au Bundestag du 14 août 1949, avait certainement durement affecté Hugo Salzmann, ainsi que ses compagnons et ses camarades de combat. Il suffit de se remettre en mémoire les paroles de Maria Weiterer, compagne de Siegfried Rädel, exécuté par les Nazis. Elle avait écrit à Hugo Salzmann : Il nous faut fortifier notre parti, qu’il puisse résister pour toujours à tout assaut réactionnaire et qu’il soit assez fort pour pouvoir réaliser le socialisme. Ce n’est que lorsque nous y serons parvenus, que nous aurons vengé nos chers disparus.

Mais en 1949, le KPD était loin de jouir d’une telle force ! Les résultats des élections au Bundestag prenaient place dans la série d’échecs essuyés par Hugo Salzmann et les communistes en général dans l’Ouest de l’Allemagne.

Les premières élections du 15 septembre 1946, qui avaient conduit à l’assemblée des députés de la ville de Bad Kreuznach, bien qu’ayant permis à Hugo Salzmann de réintégrer le conseil municipal (tout comme les élections communales le conseil communal), avaient cependant été une grande déception pour le parti.

Les communistes avaient participé aux délibérations pour la constitution de la Rhénanie-Palatinat, mais ils n’avaient pas réussi à faire passer leurs idées. Lors des élections du Landtag de la Rhénanie-Palatinat du 18 mai 1947, le KPD obtint 100.739 voix, ce qui correspondait à 8,7% du suffrage et à l’obtention de 8 mandats.

Au premier gouvernement de la Rhénanie-Palatinat, gouvernement mis en place provisoirement par la France,  dans le cabinet du Dr. Wilhelm Boden et dans le premier cabinet de Peter Altmeier, il n’y eut qu’un seul ministre communiste : Willy Feller, ministre de la reconstruction et de la circulation. Son mandat prit fin cependant dès le 7 avril 1948. La CDU et le SPD lui ayant octroyé un vote de défiance pour avoir critiqué la participation de la Rhénanie-Palatinat au plan Marshall.

Au niveau fédéral, les communistes prirent part aux délibérations pour la loi fondamentale, mais n’eurent aucune influence. Au conseil du parlement, il y eu deux représentants communistes. Max Reimann et Heinz Renner. Tous deux refusèrent de ratifier la loi fondamentale et s’opposèrent à la formation d’un état Ouest-Allemand. Heinz Renner déclara : « Je ne signe pas la division de l’Allemagne. » Aux élections du Bundestag en 1949, le KPD obtint 5,7% des voix (comme cité précédemment) et  15 députés sur 402. Le président du FDP Theodor Heuss devint président fédéral, et Konrad Adenauer, président de la CDU, chancelier. Le SPD qui, comme le KPD était issu du mouvement ouvrier, devint parti d’opposition et son président Kurt Schumacher était nettement anticommuniste.

La force démocratique, antifasciste, telle que le KPD entendait l’être dans les premières années d’après guerre n’avait donc plus de raison d’être dès 1948-49.

Une des premières lois décidées par le premier Bundestag allemand, fut celle du 31 décembre 1949, concernant l’impunité. Le chancelier Adenauer la justifia ainsi : 
« Nous avons traversé une période si trouble, qu’il convient de faire table rase sur le passé. » 

La loi fut approuvée en majorité, par le SPD, et même par le KPD. Jusqu’au 31 janvier 1951, 792.176 personnes profitèrent de cet armistice. Parmi elles, bien qu’on ne les ait pas comptés, on suppose que se trouvaient aussi environ dix milles criminels nazis. Pour la jeune république, cette situation rendait bien sûr difficile la poursuite des crimes nazis et de leurs coupables.

Entre temps à l’Ouest, on avait accepté les nouvelles données économiques et sociales et on s’était même familiarisé avec elles. Aussitôt après la guerre, les projets du plan économique favorisant l’expropriation des industriels et des banques jouissaient d’une certaine popularité. Le SPD et même l’aile gauche de la CDU  était pour. Mais les américains surtout, avaient contrecarré. Ils avaient mis en place d’autres mesures et en attendaient les effets. En particulier, le plan Marshall et la réforme monétaire portaient leurs fruits. Le plan Marshall avait sa part de psychologie. Il redonnait une perspective aux  Allemands vaincus : rejoindre le standard de vie américaine. Les Américains avaient d’autre part agi habilement, il avait d’abord minimisé le démontage des installations industrielles et l’avait stoppé dès 1951.
La réforme monétaire de juin 1948 commençait elle aussi à porter ses fruits. Ludwig Erhard, le ministre de l’économie, n’en était pas cependant le seul responsable. Des facteurs favorables jouaient également. Un de ces facteurs était, que les installations industrielles de l’époque nazie étaient très modernes et avaient mieux survécu à la guerre qu’on ne l’avait cru en premier lieu.

De plus, des milliers de réfugiés et d’expatriés s’avérèrent constituer un moteur de développement. Après la guerre, tous les Allemands se mettaient à l’œuvre. L’ardeur au travail des Allemands de l’Ouest était légendaire. Citons la phrase du publiciste, Graf von Krockow, illustrant bien cela : « L’ardeur au travail remplace le travail de deuil ».

A partir du milieu de 1950, vient s’ajouter le « boom » de la croissance économique mondiale, déclenché par la guerre de Corée (entre le Nord et le Sud). Guerre de Corée – « boom » de Corée.

La nette amélioration de la situation alimentaire de 1950 était également d’importance psychologique. En janvier furent distribuées les dernières cartes alimentaires et le système de rationnement instauré 11 ans plus tôt prit fin en avril. Les vendeuses pouvaient se permettre de poser la nouvelle question : « Un peu plus ? Ca ne fait rien ? »

Puis vint ce que l’on ne tarda pas à nommer : le « miracle économique  allemand ». Entre 1950 et 1960, la croissance économique dépassa les 8% par an. Les Allemands de l’Ouest doublèrent leur revenu national brut entre 1950 et 1959.

L’excédent des exportations fut multiplié par dix, et l’Allemagne de l’Ouest devint la deuxième puissance économique mondiale après les USA. La situation sociale elle aussi s’améliorait. Le taux de chômage passa de 11% en 1950 à 2,6% en 1959 et même à 0,5% en 1965.
On construisit rapidement 6 millions de logements, dans lesquels furent logés 16 millions de personnes. Jamais auparavant, des Allemands n’avaient augmenté leur niveau de vie aussi rapidement que ceux qui vécurent en Allemagne de l’Ouest de 1950 à 1975.

Bien entendu, Hugo Salzmann et sa famille en profitèrent également. Qui lui en aurait voulu ? Lui qui avait tant souffert et qui, toujours et partout, avait soutenu les autres. Il avait ainsi obtenu dans un premier temps, un certain dédommagement en application de la loi du Land du 27 mai 1950, concernant les compensations pour les victimes du national-socialisme en Rhénanie Palatinat. 

La même année, il acheta à la ville de Bad Kreuznach, une petite propriété dans la « Robert-Danz-Straße », sur laquelle il construisit une petite maison, où il emménagea avec sa famille en avril 1951. C’était « son paradis » comme il le disait lui-même. Il suffit de regarder les photos de famille de l’époque pour n’en pas douter. Ces photos font presque penser à la formule de l’époque: « 1, 2, 3, 4 », ce qui voulait dire : Un couple, deux enfants, trois pièces, quatre roues.

Le fils avait, grâce aux relations de son père, entretemps commencé un apprentissage dans l’administration de Bad Kreuznach. Il entra ainsi en contact avec les communistes. Il ne tarda pas à faire partie de la FDJ (Jeunesse Libre Allemande) de Bad Kreuznach.
Mais cette situation apparemment idyllique, était une illusion. L’aversion contre les communistes grandissait à l’Ouest. A laquelle venait s’ajouter le comportement soviétique. Passant outre leur promesse de paix et de démocratie, ils avaient poussé les Tchèques et les Polonais, à refuser l’aide du plan Marshall. Ils avaient fait en sorte que le parti communiste obtienne, par un « coup d’état légal », le 25 février 1948.

Le pouvoir en Tchécoslovaquie. En quelques mois seulement, par une nouvelle constitution, le gouvernement du « Front national renouvelé », instaura une « démocratie populaire », réunissant Etat et société, et faisant fusionner de force, communistes et sociaux-démocrates. 


Maria, troisième épouse d’Hugo Salzmann avec Julianna et Hugo junior, vers 1950
(source : Privée)

Environ dix mille fonctionnaires furent démis de leurs fonctions, pour « non fiabilité politique ». Ils attaquèrent l’Église catholique avec véhémence, et intégrèrent l’économie tchécoslovaque au système économique soviétique.

Hugo et Maria Salzmann avec leur fille Julianna vers 1958
(Source : Privée)

Le « Paradis » d’Hugo Salzmann dans la « Robert-Danz-Straße » à Bad Kreuznach
(source : Privée)

Dans la zone d’occupation soviétique, l’Union soviétique accrut son influence, et redoubla ses efforts pour installer le bolchévisme (stalinisme).

Sous ce qu’ils appelèrent « le pays aux paysans », ils veillèrent à ce que les grandes propriétés foncières soient partagées et que celles ayant appartenu – ou présumées telles – à des dirigeants nazis, soient regroupées dans un fond foncier commun. De plus, les soviétiques affaiblirent l’économie de la partie Est-allemande, par le démontage infrastructurel ou par des réparations à payer. Non seulement l’industrie lourde, mais également d’autres grandes entreprises, qui constituaient un quart de la capacité industrielle de la zone devinrent propriété d’Etat. Toutes devinrent propriétés soviétiques après avoir été quelques années durant, sociétés anonymes soviétiques. À titre d’exemple citons : La seconde voie des liaisons principales des chemins de fer du Reich, fut pratiquement en totalité démontée. Environ 12.000 km de rails, et de nombreuses locomotives atterrirent en Union soviétique. De plus, le développement économique et le niveau de vie à l’Est restèrent bien en deçà de la situation à l’Ouest. Ce n’est que fin mai 1958, que le rationnement alimentaire prit fin. Autre facteur négatif : Staline n’ordonna la libération des prisonniers de guerre allemands que tardivement.

L’image de la zone soviétique baissait encore, non seulement en raison de la réforme foncière, mais aussi en raison du fusionnement du KPD et du SPD. Cette fusion avait eu également lieu à l’Ouest, mais elle était la conséquence logique du combat fraternel fatal du mouvement ouvrier, provoqué par Hitler. L’unité ouvrière réapparut à l’Est par contre comme étant le résultat « d’opportunisme et d’intimidation massive » (Heinrich August Winkler).
 
Ce fusionnement n’était guère le souhait du SPD et avait été effectué sous contrainte (« fusionnement par la force »). Après quoi, le SPD fut « englouti »  par l’aile communiste, dans le nouveau parti socialiste unifié allemand : le SED. Il s’ensuivit une mise au pas politique tant à l’intérieur du SED, que dans les autres partis appelés maintenant « partis blocs ». Le SED s’alignait sur le modèle soviétique de « parti d’un type nouveau ». C'est-à-dire que le « centralisme démocrate » prenait la direction et faisait en sorte que les directives venant du sommet soient appliquées entièrement et rapidement dans leurs propres rangs. Le stalinisme faisant impact sur la zone soviétique, puis sur l’Allemagne de l’Est. Tout, conformément au mot d’ordre de Walter Ulbricht, chef du SED : « Il faut que, sous l’apparence de démocratie, nous ayons la main sur tout ! »

Dans les zones à l’Ouest, le KPD était en étroit contact avec le SED, et constituait avec lui « la communauté de travail socialiste » depuis 1947. Ce qui devait durer jusqu’au début de 1949, lorsque le KPD se constitua en tant que parti communiste de l’Allemagne de l’Ouest, et même jusqu’au congrès du parti en 1951, où il s’octroyait un statut et un programme politique.

Si on ajoute la propagande nazie qui, sans tenir compte du pacte de non-agression entre Hitler et Staline,  avait mis en garde contre le danger bolchévique et les « sous-hommes »  slaves ; les récits des réfugiés et des expatriés relatant leurs traumatismes causés par l’armée rouge ; la guerre froide qui prenait de l’envergure avec la guerre de Corée ; il parait alors évident qu’à l’Ouest, le KPD se trouvait face à un problème insoluble. 

Il aurait fallu une politique unifiée avec le SPD, les syndicats, l’aile gauche de la CDU et d’autres démocrates et pacifistes, sous la direction du KPD. Non seulement le KPD n’avait pu créer un front unitaire démocratique-antifasciste, mais il avait trouvé un adversaire de taille : le SPD, surtout en la personne de son président : Kurt Schumacher. En surplus, le KPD fut rendu en partie responsable de la politique soviétique appliquée dans la zone d’occupation à l’Est (bientôt devenue RDA) ainsi que dans les autres pays du « bloc de l’Est », qui était en train de se former et de s’organiser. Le KPD conserva ainsi son rôle marginal. On soupçonna même une « télécommande » externe. Il lui était impossible de se libérer de ce soupçon, même s’il suivait la position d’autres partis et s’y référait.

Afin de sortir de cette isolation, le KPD entreprit différentes actions. Entre autre une campagne pour l’unité nationale et une contre le réarmement. Hugo Salzmann participa à ces deux campagnes au niveau régional.

Aux élections du Landtag de la Rhénanie-Palatinat du 29 avril 1951, Hugo Salzmann était candidat du KPD.

 

Tous les chemins du marxisme mènent à Moscou :
Affiche de la campagne électorale de la CDU 
pour les élections du Bundestag en 1953

 

Il faisait également de la publicité pour sa propre personne. Sur une affiche électorale, on pouvait le voir et lire entre autre les revendications suivantes :

-Contre l’impôt (antisocial) sur le logement
-Pour le retrait de toutes les troupes d’occupation
-Pour l’arrêt des opérations de démontage
-Pour une Allemagne unifiée, indépendante et pacifique

Cette campagne resta cependant sans succès. Non seulement Hugo Salzmann ne fut pas élu au Landtag, mais le KPD dans son ensemble ne parvint pas à y retourner. Ils ne réussirent à convaincre que 66.483 électeurs. C'est-à-dire 4,3% des voix. En raison de la barre des 5 %, nécessaires à l’époque, le KPD n’obtint aucun mandat. Le KPD n’était plus représenté au parlement et il était devenu insignifiant au niveau du Land. L’ « avant-garde de la classe ouvrière » perdit de plus en plus d’adhérents. D’environ 20.000 en 1947, ils passèrent à 6.500 en 1951. (Cette tendance était irréversible. Lors des élections du Landtag qui suivirent en 1955, le KPD n’obtint plus que 50.896 voix, ce qui correspondait à 3.2% des voix exprimées. Et de nouveau le KPD ne parvenait pas à obtenir de mandat au Landtag).

Présentation des candidats du KPD aux élections du Landtag de la Rhénanie-Palatinat le 29 avril 1951.
Origine inconnue
(Source : Privée)

Au Landtag tout comme aux élections ultérieures, il n’y avait plus que trois partis représentés : la CDU, le SPD, et le FDP. Jusqu’aux élections de 1991, la CDU occupa le poste de Ministre-président et gouverna seule ou en coalition avec le FDP.

Les problèmes d’Hugo Salzmann ne diminuèrent pas, ils prirent une autre forme. Bientôt ce fut son employeur, l’union des syndicats allemands (DGB), qui ne tarda pas à lui faire du tort. La raison profonde était que le parti communiste reprochait aux syndicats leur soi-disant attitude pro-américaine et favorable au réarmement de l’Allemagne de l’Ouest. On taxa Hugo Salzmann de soutenir cette attitude nuisible au DGB. Ce qui mena son employeur, le DGB, à le licencier sans préavis, de sa place de secrétaire du syndicat.

Affiche présentant le candidat du KPD – Hugo Salzmann, 
aux élections du Landtag du 29 avril 1951 (Source : Privée)

Hugo Salzmann protesta immédiatement et écrivit au DGB:

Propos d’Hugo Salzmann au sujet de son licenciement sans préavis de son poste de secrétaire du syndicat. (Version légèrement arrangée):

Je dois dire que j’en ai vu déjà beaucoup. Il a même fallu, dans le passé, que je sauve ma tête de l’échafaud. J’ai toujours eu les mains propres, car j’ai toujours eu l’humanité comme objectif. J’ai beaucoup souffert avec ma première famille. Et aujourd’hui, je me retrouve dans la même situation à cause du DGB.J’ai la conscience claire. Il m’est impossible de renier mes convictions, pour l’obtention d’une pension pour moi et pour ma famille.  Impossible de m’abandonner moi-même. Même si je devrais connaitre une misère plus grande. Il en va de millions de personnes et pas seulement de mon bien-être. Et même si mon collègue Ludwig devrait me dire une fois de plus, que j’aie la possibilité de quitter ma place prématurément, puisque ma demande de retraite est en cours, alors je l’en remercierais. Mais je ne quitterai pas ma place sans protestation. Je n’ai rien à me reprocher. Je ne doute pas une seconde, que les deux témoins devraient payer cher, s’ils devaient répéter devant les juges, ce qu’ils ont communiqué au DGB. Ils se seraient parjurés par deux fois et devraient s’attendre à une peine de prison pour faux témoignage.
Je ne reculerai pas. Je vais continuer à œuvrer dans l’intérêt des travailleurs, au service de la classe ouvrière et pour le progrès.

 

Hugo Salzmann porta immédiatement plainte auprès du tribunal du travail, en constatation de droit, que son licenciement était illégal, et que son contrat de travail continuait d’exister. Après que de nombreux syndicalistes aient porté leur soutien à Hugo Salzmann, le DGB ne tarda pas à retirer son licenciement.

Hugo Salzmann avait donc gagné la lutte pour conserver sa place et recouvrer une part de son identité. Cela lui procurait une certaine satisfaction, d’autant plus que le retrait du licenciement avait été rapide, et que ses collègues avaient fait preuve de solidarité envers lui. Mais sans doute restait-il des traces de blessure et de colère. Car ce n’était pas la première fois qu’il essuyait une telle dénonciation, mais la cinquième.

Propos d’Hugo Salzmann au sujet des dénonciations de ces jours-là.

Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de la première dénonciation, mais de la cinquième. Une lettre anonyme « Le conseil de l’entreprise des usines Seitz », puis « le cercle des travailleurs de la ville de Kreuznach ». Une des lettres anonymes était écrite sous un faux nom. J’ai demandé au DGB de me faire parvenir les originaux, afin de savoir l’origine de cette machinerie, d’où viennent les auteurs de ces lettres. Sans succès. J’ai des lettres très diffamantes, adressées à moi et au collègue Schulz. Elles sont tellement infectes et odieuses, en raison de notre passé commun,  que je ne puis même pas les rendre publiques. Elles vont même plus loin que la menace de me faire disparaitre une nuit.

 

Ces derniers propos faisaient sans doute allusion à une lettre de menace émanant de l’association « l’ombre noire », datant du 17 avril 1950, portant le tampon de la poste de Bad-Kreuznach, et qu’il avait reçue quelques jours plus tard dans son bureau du syndicat. Cette lettre fait partie de sa succession et nous en publions des extraits – laissant de côté les propos infects qui ne concernaient pas directement Hugo Salzmann.

Hugo Salzmann – début des années 50.
(Source : Privée)

Lettre de menace de l’association « l’ombre noire » du 17 avril 1950:

Prends garde à toi Hugo Salzmann. Ta position telle qu’elle était en 1945 n’existe plus. Des hommes auxquels tu as menti, que tu as abominablement trompés et dénoncés, reviennent au pouvoir. Ils se vengeront.  Le mieux pour toi serait de disparaitre discrètement comme en 1933, sinon tu risques de ne plus pouvoir (un jour) rentrer chez toi. Tu sais bien ce qui se passe dans la zone Est. Il en sera bientôt de même ici. En tous cas, ferme ta gueule et retire toi de la vie publique. Nous t’avertissons à temps. Ton heure va bientôt sonner. Pour le cas où tu n’aurais pas encore entendu parler de notre organisation, tu peux t’informer de ce qui s’est passé dernièrement à Karlsruhe et à Francfort. Tu seras la prochaine victime. Nous te donnons encore une chance de reprendre une vie respectable, de ne pas ouvrir trop grand ta gueule, de vivre une vie correcte. Sinon, ta vie elle aussi ne sera bientôt plus qu’une ombre. Trouve-toi un travail raisonnable et abandonne le syndicat. Tu es prévenu, disparais. Ne compte pas sur les forces d’occupation ou sur la police. Nos hommes sont des anciens parents de membres de la gestapo etc.… et sont parfaitement équipés en tout. Tu es bien trop bête. En fait tu es un vrai con et complètement idiot ; sinon tu fermerais ta gueule. Personne ne te prend au sérieux. Tu es un con de première qualité. Ta grande gueule ne te servira à rien cette fois.
Pour finir, nous te le répétons. Fais attention, sinon tu la fermeras bientôt pour toujours, Tout est prêt. Personne ne retrouvera jamais, comme dans d’autres cas, de traces de ta disparition. L’ombre noire sait dénicher tous les diffamateurs. C’est la fin de ton influence.

 

Ces dénonciations, ces diffamations et ces menaces étaient certes d’extrême virulence. Mais elles n’étaient « que » les protubérances du climat existant et d’une situation caractérisés par l’opinion exagérée : Amis –Ennemis.

Dès l’été 1950, le gouvernement fédéral et celui de la Rhénanie- Palatinat, travaillaient à l’élaboration d’un décret interdisant le travail dans la fonction publique, aux fonctionnaires, employés et travailleurs aux convictions anti-gouvernementales, en les destituant de leurs places.

La Rhénanie Palatinat joua un rôle précurseur avec le décret du ministère de l’intérieur, du 18 août 1950. La ratification par le gouvernement fédéral suivit le 19 septembre 1950.

Décret du gouvernement fédéral  du 19 septembre 1950

Les adversaires de la république fédérale redoublent de zèle pour saper les principes de la liberté démocratique. Toute participation à de telles actions est incompatible avec les obligations de la fonction publique. Toute personne sous ordre direct ou indirect du service fédéral devra, selon le §3 de la loi provisoire concernant le personnel fédéral, avoir un comportement conforme aux principes de bases démocratiques. Quiconque participe à des organisations ou à des actions contre le principe de la liberté démocratique, agit pour elles ou les soutient, en tant que fonctionnaire, employé ou travailleur fédéral commet une grave infraction à ses obligations. Cela concerne en particulier ceux qui agissent sur ordre, ou dans le sens soit des décrets du 3ième congrès du parti du SED incitant à des actes de violence, ou encore de ceux du congrès national.  Lors du 3ième congrès du parti qui eut lieu du 20 au 24 juillet 1950, le SED s’était déclaré comme étant le parti de la classe ouvrière, sa troupe d’avant-garde consciente et organisée, dans la ligne du marxisme-léninisme, (parti de type). Ulbricht, le chef du SED propageait la construction planifiée du socialisme ainsi que la nécessité du renforcement de la lutte des classes.* (note de l’auteur).
Les organisations dont le soutien est incompatible avec les obligations de la fonction publique sont entre autres :

01)  Le parti communiste allemand avec toutes les organisations en dépendant.
.....
10)  L’association des personnes poursuivies sous le régime nazi(VVN)

Le gouvernement fédéral enjoint les supérieurs de prendre des mesures contre les fonctionnaires, employés et ouvriers, qui, par leur participation à de telles organisations, ou leur désir de le faire, enfreindraient  leur devoir de fidélité envers la république fédérale. Qui s’en rendrait coupable devra immédiatement être démis de ses fonctions  du service public ; pour les fonctionnaires à vie, par une procédure pénale, en corrélation avec une suspension provisoire de leurs fonctions et par une rétention de salaire ; pour les fonctionnaires en situation provisoire, par un retrait de leurs fonctions ; pour les employés et pour les ouvriers, par un licenciement sans préavis.

 

Le gouvernement fédéral recommande aux gouvernements des Länder, de prendre des mesures immédiates.

Cette « recommandation » du gouvernement fédéral fut immédiatement adoptée par la Rhénanie-Palatinat., qui ajusta son décret du 18 août 1950 au décret fédéral du 27 septembre 1950.

Décret de la Rhénanie-Palatinat du 27 septembre 1950

La régression du parti communiste sur le territoire fédéral, l’hostilité de la population envers lui, ont depuis le début de l’année, poussé le politburo du SED, à propager ses paroles et ses objectifs de propagande sur le territoire, sous le couvert d’organisation, d’union de comités, de groupes et cercles de travail etc. 
Après qu’Ulbricht, le secrétaire général du SED ait exprimé ouvertement, lors du congrès du parti du SED, du 20 au 24 juillet de l’année courante, que l’objectif du SED était, par le biais de ces organisations, de miner la situation démocratique en république fédérale, et d’organiser la « résistance nationale » contre la république fédérale, il est clair que l’activité de ces associations, de ces cercles de travail, de ces comités etc.., ont pour but de miner et de défaire l’ordre constitutionnel. Il s’agit d’une atteinte aux principes de base démocratiques, dans le sens de l’article 133 § 1 de la constitution du Land. 
Les organisations d’extrême droite s’efforcent elles aussi, de miner les principes de base démocratiques.
Une activité au sein d’une des organisations citées précédemment est incompatible avec le service public.
L’appartenance à une des organisations telles que celles décrites plus haut, constitue en soi un soutien de ces objectifs, puisque la cotisation à elle seule peut être considérée comme soutien. On considèrera que, tout employé des services publics, qui continuerait d’agir pour des organisations de ce genre, après la publication du décret du ministère de l’intérieur (note de l’auteur) du 18 août 1950 (181-01),  concernant des actions hostiles à l’État de la part de fonctionnaires, employés ou ouvriers du service public, - lequel avait fait suite à la déclaration d’ Ulbricht, secrétaire général du SED citée plus haut – aura enfreint à son devoir de fidélité envers l’État.
Au cas où le dit employé de la fonction publique aurait cessé ses activités pour ces organisations, il conviendra de vérifier qu’il ne s’agit pas d’une duperie.

 

Ce même décret ajoute, que l’administration est tenue d’effectuer dans son secteur, un contrôle de tout le personnel de la façon qu’elle jugera adéquate. Le bulletin officiel ne donne pas d’indication concernant la procédure à utiliser.

C’était le premier « décret radical ». Il atteignait surtout les communistes et les antifascistes actifs qui, comme Hugo Salzmann s’étaient opposés au régime national socialiste naissant, qui avaient dû s’enfuir, avaient lutté à l’Ouest contre lui et étaient revenus après la libération pour reconstruire une Allemagne meilleure.

C’est dans ce climat politique que la jeunesse allemande libre (FDJ) et l’union des personnes poursuivies par le régime nazi (VVN) furent interdites. En raison de leur soi-disant dépendance du SED et de leur étroite collaboration avec le KPD.Encore en 1951 – le 22 novembre -, le gouvernement fédéral envoyait une requête devant le tribunal constitutionnel afin que le KPD soit déclaré anticonstitutionnel. La requête avait dès le début porté à controverse. Le communisme Ouest-allemand n’avait jamais été une menace pour la république fédérale d’Allemagne. Le « danger communiste » était plutôt un spectre attisé par la séparation de l’Allemagne.

Le fait est, que les partis communistes à l’Ouest et dans le sud de l’Europe n’étaient pas interdits. De par sa requête d’interdiction, la république fédérale s’alignait sur les dictatures espagnole et portugaise ainsi que sur la Grèce.

Certaines voix critiques s’élevèrent, demandant s’il n’était pas dangereux d’interdire des groupes déjà marginaux, et de créer ainsi des martyres politiques. 
La procédure devant le tribunal constitutionnel traina en longueur sur plusieurs années. Non que le tribunal ait des difficultés à déterminer l’inconstitutionnalité du parti, mais parce que la mesure ne semblait pas politiquement opportune. En effet, le KPD, depuis le début des années cinquante, n’était plus représenté dans la plupart des parlements des länder, et après 1953, n’était plus présent au Bundestag.

Alors que la procédure d’interdiction du KPD commençait à peine, une autre mesure contre les communistes – la modification (1)  du code pénal du 30 août 1951 - s’était mise en place. Elle  avait été largement approuvée au Bundestag, même par les sociaux démocrates. Seuls les quelques députés communistes avaient voté contre.

La loi réglait principalement les peines encourues pour haute trahison et atteinte à l’État, et pour haute trahison avec soutien extérieur. Elle concernait donc le code pénal politique qui manquait depuis la chute du code pénal nazi. 
Elle élargissait considérablement la protection légale de l’État- en particulier le § 90a du code pénal. 

Paragraphe 90a du code pénal

(1)    Quiconque fonde une association dont l’objectif ou l’activité va à l’encontre de l’ordre constitutionnel et s’oppose à l’idée de rapprochement des peuples, ou soutient une telle organisation en tant que meneur ou en tant qu’instigateur, est passible d’une peine de prison.
(2)    Dans les cas graves, l’emprisonnement peut aller jusqu’à 5 ans. Une surveillance policière peut-être mise en place.
(3)    S’il s’agit d’un parti politique faisant partie intégrante de cette loi, il ne peut y avoir de poursuite judiciaire qu’à partir du moment où le parti est déclaré anticonstitutionnel.

 

Tout ce qui aurait pu servir au développement du KPD ou à la réalisation de ses objectifs était donc interdit. Le placardage, ou exprimer une idée soutenue également par les communistes étaient déjà répréhensibles. Il n’était même pas nécessaire d’être membre du parti communiste pour être poursuivi. Rien que de 1953 à 1958, il y eut 46.476 enquêtes judiciaires politiques. La plupart de ces enquêtes concernait des adeptes du parti communiste. Il n’y eut « que »1.905 condamnations.

La disproportion ne venait pas d’une clémence particulière de la justice, mais était plutôt le résultat de l’activité fébrile des enquêteurs.

Bien entendu cela empoisonnait le climat politique.

Dans l’opinion publique, le KPD et ses adeptes étaient déjà condamnés, même si l’interdiction du parti par le tribunal constitutionnel devait se faire attendre des années encore.

Même le principal juriste de la fraction du SPD, le député au Bundestag, le Dr Adolf Arndt, qui avait voté la modification du code pénal de 1951, critiqua quelques années plus tard (après l’interdiction officielle du KPD) l’envergure prise par les condamnations. Il en rendit la responsabilité aux tribunaux qui appliquaient cette loi, plutôt qu’à la loi elle-même.

Propos du politicien social-démocrate, le Dr. Adolf Arndt au sujet des pénalités encourues selon la modification du code pénal.

Des lois du genre de celle adoptée en 1950/1951, sont nécessaires. La démocratie doit se montrer combattive, et se défendre au préalable, c’est-à-dire, défendre ses libertés. Il est nécessaire de formuler ces lois de façon abstraite ; l’important est la façon de les appliquer. Malheureusement la justice va bien trop loin dans son application. C’est bien là  le point essentiel. Le parti communiste est interdit en tant qu’organisation. Cela signifie, et c’est également ma conviction, que seul est passible de poursuites judiciaires, qui commet un délit d’organisation. C’est-à-dire qui tente clandestinement de réorganiser le parti communiste interdit. Malheureusement, la justice a considéré le soutien du parti communiste comme un délit en soi, donc  elle va bien au-delà de l’interdiction elle-même.  De fait, en Allemagne, il n’est pas interdit d’être communiste ou de s’exprimer en tant que tel. Il n’est pas non plus interdit de participer à des réunions communistes à l’étranger. Cela irait à l’encontre du caractère libéral de notre démocratie.
Mais le développement de la justice ces dernières années, le considère comme un délit. En conséquence, en raison de ma critique politique,  je cours le risque d’être considéré comme coupable d’un prétendu soutien du parti communiste. Vous voyez, cela constitue une menace pour notre liberté à tous.

 

Dix ans plus tard, le 21 mars 1961, le tribunal constitutionnel déclara le § 90a du code pénal, comme étant anticonstitutionnel, s’il menaçait de pénalité, la fondation ou le soutien de partis politiques, et annulait complètement le paragraphe 3, parce qu’il faisait atteinte au privilège de protection particulière dont jouissaient les partis politiques, de par la constitution. Mais cela fut inutile.

Pendant dix ans, cette loi anticonstitutionnelle avait accompli son œuvre répressive et disciplinaire.

Il est étonnant qu’il n’y ait pas eu immédiatement d’enquête semblable contre Hugo Salzmann. Pourtant ses activités au moment du réarmement de l’Allemagne fédérale, par exemple, auraient pu porter l’administration à le faire. Il en va de même si l’on considère les visites régulières qu’il ne tarda pas à rendre à son père en Allemagne de l’Est. De toute évidence, il avait réussit à justifier le caractère privé de ces visites. On sait seulement qu’en 1951, une procédure judiciaire fut mise en route contre Hugo Salzmann pour activité politique non constitutionnelle. Cette procédure fut abandonnée faute de preuve, par l’avocat général de Bad Kreuznach, par ordonnance du 14 août 1951. Ce qui ne pouvait faire référence à la modification du code pénal, puisque cette dernière n’entra en vigueur que le 1er septembre 1951.
Son fils Hugo, lui, fut effleuré par cette « chasse aux communistes ». En raison de son appartenance en tant que membre actif, à la FDJ, et pour avoir tenté de participer aux jeux de la jeunesse internationale de Berlin-Est, on lui refusa l’obtention d’un passeport pour rendre visite à sa tante Ernestine en Steiermark.

Alors que l’on excluait et incriminait nombre de communistes, poursuivis sous le régime nazi ; on intégrait des anciens nazis et des sympathisants de leur régime dans l’état se constituant. On reconstruisait avec eux la justice et l’administration. Beaucoup  continuèrent leurs activités dans leurs fonctions. D’autres qui avaient été démis de leurs positions dans les services publics, en raison de la dénazification, insistaient pour retrouver leurs postes. Puis venaient s’ajouter les milliers de fonctionnaires réfugiés de l’Est, ou qui avaient perdu leurs postes dans les territoires occupés par l’Allemagne hitlérienne. Pour ces derniers, au passé souvent chargé, la loi fondamentale contenait une promesse. Dans l’article 131, le législateur de la constitution enjoignait le simple législateur, à établir une réglementation sur le ré- emploi  et l’assistance de fonctionnaires ayant perdu leurs places en 1945, pour des raisons autres que celle de fonctionnariat ou de barème de salaire. En mai 1951, le Bundestag obéit à cet ordre constitutionnel et adopta (avec les voix du SPD), une loi sur la réglementation de la situation  juridique des personnes concernées par l’article 131 de la loi fondamentale. Cette loi obligea la fonction publique à occuper 20 pour cent de ses places par des personnes de l’article « 131 ». Ce qui permit à 150.000 personnes, qui avaient été démises de leurs fonctions lors de la dénazification, de retrouver leurs droits à l’assistance ainsi que leur emploi dans la fonction publique. On ne tarda pas à dire – avec raison – en allusion aux antifascistes libérés en 1945. Les « 131 » ont vaincu les « 45 ».

Hugo ne se lassa pas abattre et ne perdit rien de son courage. Il resta fidèle à lui-même et à sa « ligne droite » comme il aimait le dire. 

Sur place, dans sa ville natale de Bad Kreuznach, il continua d’être la bonne âme, celui qui connaissait le malheur er les souffrances de ses compatriotes, et qui voulait améliorer leurs destins et leurs conditions de vie.

Il lutta aussi pour que les coupables nazis soient rendus responsables de leurs crimes. C’est ainsi qu’en 1951, il porta plainte contre Ernst Schmitt, ancien chef d’arrondissement nazi, pour crime contre l’humanité. Il lui reprochait de s’être adressé à l’époque au gouvernement de Vichy, pour que ce dernier le livre (lui – Hugo Salzmann) à la Gestapo. Schmitt avait justifié sa requête par le sabotage de l’entreprise Obst & Scherer en 1933, qu’Hugo Salzmann aurait effectué. Hugo Salzmann en aurait eu connaissance lors de son interrogatoire par la Gestapo à Koblenz. L’audition de témoins qui suivit ne put le confirmer. La procédure fut abandonnée, faute de preuves. Dans le même temps, Hugo Salzmann porta plainte contre le commandant SA Christian Kappel, également pour « crime contre l’humanité ». Salzmann lui reprochait les mauvais traitements de la famille Baruch, juive, dans la nuit de la Saint Jean en 1935. Une autre accusation précisait que Kappel, en tant que commandant SA, aurait pendu des étrangers en 1944, dans la région de Bad Kreuznach. Dans un autre cas, il aurait pendu, dans une carrière située à proximité, un Polonais travaillant pour un transporteur de Bad Kreuznach, pour avoir eu une liaison avec une employée allemande de la maison. Salzmann ajouta que les travailleurs étrangers, travaillant pour la ville et occupés dans la circonscription, avaient été obligés d’assister à la pendaison. Ils avaient dû y assister, sous la menace de mitraillettes afin qu’ils ne prennent pas la fuite. Deux Polonais ajoutèrent dans leurs dépositions, que Kappel avait même bu un verre de vin à la santé du Polonais après l’avoir pendu. La procédure judiciaire ne put être achevée. Kappel étant décédé peu après.

C’est avec  grande émotion et un intérêt bien particulier qu’Hugo Salzmann suivit la procédure judiciaire concernant la marquise Lucie de Villevert, née Minna Otto, dénonciatrice de sa femme Julianna, morte en camp de concentration. Cette personne avait en tant que codétenue, fait parler sa femme à la prison de Koblenz, et communiqué les informations à la Gestapo. Ce qui avait suffi pour envoyer Julianna Salzmann dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, où elle trouva la mort. Entretemps, la marquise était revenue de France en Allemagne.

On ne la tira pas devant la justice, en raison de ses activités d’espionne de la Gestapo, dont Julianna Salzmann n’avait pas été la seule victime envoyée en camp de concentration. Au contraire, la marquise de Villevert intenta un procès civil contre le Land de la Rhénanie-Palatinat, exigeant le remboursement d’une fortune se montant à 1 million et demi de mark. Elle donna comme raison que les usines rhénanes de caolin d’Oberwinter et de Bonn(Beuel), ainsi que la mine de caolin d’Oberwinter lui avaient été confisquées par la Gestapo le 18 juin 1941, qu’elle avait été arrêtée comme adversaire du régime nazi. On l’aurait accusée d’activités oppositionnelles au régime et on lui aurait confisqué sa fortune.

Cela renversait complètement la vérité. Elle, la dénonciatrice et espionne nazie, qui avait livré nombre de prisonnières politiques, prétendait à présent avoir été l’adversaire des nazis, et exigeait en surplus, un remboursement d’un million et demi de mark.

Bien qu’Hugo Salzmann fît tout son possible pour que les faits soient éclaircis, il n’y eut pas de procédure pénale contre la marquise. La procédure civile s’étira en longueur pendant des années et sur plusieurs instances. Finalement l’accusation civile resta sans succès, après que le tribunal supérieur des restitutions de Rastatt ait rejeté la demande de révision de la marquise, contre la décision du tribunal d’appel de Koblenz.

Après le retrait de son licenciement, Hugo Salzmann continua d’occuper son poste de secrétaire syndical de droit social et du travail du DGB.

Carte de membre du DGB. Land de Rhénanie-Palatinat –
 fonctionnaire du syndicat. No 004 de 1950 (Source : privée)

Manifestation du DGB du 1er mai 1951 (Source : privée)

Il poursuivit aussi ses activités au niveau communal. Bien que le KPD à Bad Kreuznach continuât de perdre des voix, il y eut deux députés au Landtag dont Hugo Salzmann.

Les membres du Kreistag de Bad Kreuznach avec le Landrat Gräff en 1952 (Source : privée)

Les députés municipaux de Bad Kreuznach avec le maire, le Dr. Jungermann (Source : privée)

Dans le début des années cinquante commençait de s’établir une Allemagne, telle qu’Hugo Salzmann et ses camarades n’avaient pas désirée. Il n’y avait pas eu de véritable dénazification. Jusque dans les étages supérieurs de l’État, de la société, de l’administration et de l’économie, on retrouvait bon nombre de nazis, parmi les 8 millions de ces derniers temps. Plusieurs milliers, responsables de la mort de leurs semblables, n’avaient pas été poursuivis en justice. De nombreux criminels administratifs avaient réintégré leurs bureaux. Et pourtant, il n’y eut aucun désordre politique ou bureaucratique. En quelques années, s’était établi une démocratie stable, une participation électorale forte,  aux majorités claires, un gouvernement au bon fonctionnement, et des fonctionnaires loyaux. Le chancelier Adenauer avait atteint son objectif. « Mieux vaut une demie Allemagne complète, plutôt que la moitié d’une Allemagne entière ».

Bien qu’Hugo Salzmann regrettât ce développement, il avait cependant trouvé sa place dans ce système, pour ne pas dire qu’il s’en était arrangé. D’ailleurs, il n’avait guère le choix. Bad Kreuznach était sa ville natale, il y avait sa famille, son travail, ses amis, sa maison. Que pouvait-il, qu’aurait-il pu faire d’autre ?

Il en était autrement pour son fils Hugo. Père et fils ne s’entendaient pas vraiment, en raison de la longue séparation à laquelle ils avaient été forcés. De plus, le père avait fondé une nouvelle famille avec sa femme Maria et leur fille Julianna.

Hugo Salzmann junior, début des années cinquante  
(Source : privée)

Dans cette situation, le jeune Hugo, âgé juste de 21 ans fin 1953, se sentait attiré par l’ « autre côté ». L’Allemagne de l’Est qui se présentait comme étant « antifasciste », et la « meilleure » Allemagne. Elle exerçait un attrait particulier sur le jeune homme sans patrie véritablement.

Le climat régnant en Allemagne de l’Est était cependant de fait tout autre que celui que la propagande laissait entendre. Le président Wilhelm Pieck le dit clairement lors de son discours du 3ieme congrès du SED le 20 juillet 1950, en décrivant la situation comme suit.

Discours de Wilhelm Pieck, président de la RDA, à propos du « travail contre les éléments nuisibles »

« Les agents anglo-américains, et autres criminels ne reculent devant rien de ce qui pourrait nuire à notre économie populaire : actes de diversion,  incendies,  attentats de chemins de fer,  actes de sabotage. Le gouvernement de notre république a donc été amené, en réponse à ses attentats, à créer un ministère pour la sécurité de l’État, dont l’objectif est d’arrêter et de rendre inoffensifs, les éléments nuisibles, les saboteurs et les auteurs d’attentats, ainsi que tous les ennemis de la république. (Applaudissements)…
Il faut continuer de consolider notre police populaire, les organes de la sécurité de l’État et de la justice. Ils doivent, prêter attention aux signaux des ouvriers, se solidariser avec le peuple,  le soutenir et s’en sentir responsable.

En même temps, ceux qui ne sont entrés au parti que dans le but de faire carrière, de le saper ou de le corrompre, qui ne cherchent que leur intérêt personnel, ainsi que les agents ennemis envoyés par les services d’espionnages impériaux pour s’insérer dans nos rangs, ont été exclus. 
Il va de soi, que l’élimination d’espions ennemis et des éléments étrangers au parti a renforcé ce dernier.
Le travail d’élimination d’éléments nuisibles sur le plan idéologique, est, dans un certain sens plus dangereux encore que dans le domaine économique. 
Ils essaient de faire dévier le parti de sa véritable voie marxiste léniniste, et veulent imposer leurs idées et leur conception du monde, qui ne sont pas les nôtres. »

 

Dans son discours, Wilhelm Pieck ne faisait pas seulement allusion aux émigrants venus de l’Ouest, mais également au représentant du président du KPD Ouest-allemand, et député du Bundestag Kurt Müller. La direction du SED lui reprochait d’être en relation permanente avec les services secrets d’une puissance étrangère, et de leur avoir communiqué des informations internes au parti.

En mars 1950, on l’avait attiré à Berlin-Est par une conversation téléphonique avec le président du KPD Ouest-allemand Max Reimann. Après un entretien avec le secrétaire général du SED du comité central (ZB) – Walter Ulbricht – Les services de la sécurité de l’État l’avaient arrêté, sans prendre en considération son immunité parlementaire, dans les locaux du Comité Central.

Il fut soumis de temps à autre à un interrogatoire effectué par Erich Mielke, à l’époque secrétaire d’État du ministère de la sécurité de l’État (MfS). Au bout de quelques mois, il fut remis aux services de sécurité soviétiques, et conduit dans leur maison d’arrêt centrale de Berlin –Hohenschönhausen  En 1955, un tribunal exceptionnel de Moscou condamna Müller par contumance, à 25 années de réclusion.

L’ironie du sort voulut qu’il puisse bientôt être libéré et revenir en RFA, dans le cadre de l’accord passé par le chancelier fédéral Konrad Adenauer, concernant la libération des prisonniers de guerre. Après sa libération, il envoya une lettre de protestation véhémente, le 31 mai 1956, au ministre-président de la RDA Otto Grotewohl ;  il n’obtint jamais de réponse.

En août 1950, les services secrets soviétiques (le ministère de la sécurité de l’État – MGB), les services secrets Est-allemands (la « Stasi ») et le SED, avaient rassemblé suffisamment de matériel pour dénoncer et criminaliser les camarades de combat d’Hugo Salzmann, venus de l’Ouest. Entre autres Paul Merker et Maria Weiterer, compagne de Siegfried Raedel, que les nazis avaient exécuté.

Le 24 août 1950, le comité central du SED décida de les exclure du parti et d’autres organisations. Il y eut pour cela une :
« déclaration  du comité central et de la commission de contrôle du parti central concernant les relations d’anciens émigrés politiques allemands avec Noel H. Field, dirigeant de l’Unitarian Service Committee. »

Par cette déclaration, Paul Merker fut démis de ses fonctions de secrétaire d´État, et fut envoyé à Luckenwalde comme chef d’une restauration appartenant à l’État. En ce qui concerne Maria Weiterer, le comité central constata que :
«  l’idéologie floue de la camarade Weiterer venait de ses idées petites-bourgeoises, qui l’empêchaient encore maintenant, de reconnaitre le rôle de Field, la mettaient en situation d’opposition vis-à-vis du parti et la faisaient passer dans le camp des ennemis de la classe sociale. (Elle) devra donc être interdite de toute fonction. »

Maria fut envoyée dans une usine de tissage de soie, où elle occupa un poste dans un bureau. En raison du travail social exceptionnel qu’elle fournit, elle réussit à réintégrer le SED et fut même plus tard réhabilitée.

Pour Fritz Sperling, successeur de Kurt Müller,  en tant que suppléant du président du KPD fédéral, ce fut plus grave. En 1951, il avait été arrêté à l’hôpital et emprisonné jusqu’en 1954, malgré sa grave maladie cardiaque, à la maison d’arrêt de Hohenschönhausen, qui entretemps avait été repris par la sécurité de l’État de la RDA.À l’occasion d’un procès exemplaire, il devait être condamné pour espionnage pour le compte des Américains. La  procédure judiciaire s’étira en longueur parce que Sperling n’ « avoua » pas ses « crimes » comme on l’attendait de lui ; et les services secrets n’avaient pas de preuves contre lui.

En 1954, il fut condamné en tant qu’espion des Américains pour crime contre la paix. Gracié en 1956, il fut libéré. Il devait alors s’engager à ne pas retourner en Allemagne de l’Ouest, mais à rester en RDA. Il mourut deux ans plus tard, à 46 ans.

Mais ce n’était pas tout. Le nettoyage staliniste continua. Hugo Salzmann en fut touché, car ses camarades du camp du Vernet – Paul Merker et Franz Dahlem – étaient maintenant personnellement et durement concernés.Franz Dahlem fut démis de ses fonctions et arrêté. Les dirigeants du SED et le chef Stasi Erich Mielke lui-même prévoyaient un procès exemplaire, qui cependant, n’eut pas lieu, en raison de la mort de Staline en mars 1953. À la suite de son décès, les soviétiques ne jugèrent plus nécessaire d’effectuer de procès exemplaires contre les dirigeants communistes, en raison de leur contact avec Noel H. Field.Dahlem fut libéré et put reprendre son travail dans la fonction publique dès 1955.

Paul Merker : ancien camarade d’Hugo Salzmann 
du camp de concentration du Vernet 
(Source: Wikimedia)
Franz Dahlem : ancien camarade d’Hugo Salzmann
du camp de concentration
du Vernet
(Source: Wikimedia)

 

Merker quant à lui, resta où il était : à la prison des Stasis de Berlin – Hohenschönhausen – lors d’un procès à huis clos, il fut condamné le 30 mars 1955, à 8 ans de prison, en raison de ses activités en exil, en référence à l’article 6 de la constitution de la RDA, qu’il aurait enfreint.  C'est-à-dire, pour s’être prononcé pour la race et pour la haine contre les peuples, pour encouragement à la guerre etc. Et pour avoir enfreint la loi no 10 du conseil de contrôle des forces alliées concernant la poursuite des nazis et criminels de guerre. Un an plus tard, il fut libéré et acquitté. Mais jusqu’à sa mort en 1969, il ne fut pas réhabilité.

La RDA était donc devenue une dictature comme celle que l’incontestable « souverain » Josef Staline avait établie en union soviétique après la deuxième guerre mondiale, ainsi que dans les États du bloc de l’Est et précisément en RDA. Caractéristiques de la dictature stalinienne furent les « purges politiques » comme celles citées précédemment, les expropriations, les procès exemplaires, la paranoïa de l’espionnage et le pouvoir de l’ « apparatchik ».

Pas étonnant alors, qu’au printemps de 1953, le climat politique en RDA en soit venu au point mort. Entretemps, 37.000 personnes par mois quittaient la RDA.

Émigrés et réfugiés venant de RDA et du secteur Est de Berlin – de 1949 à 1956.

Finalement, la forte augmentation des normes de travail dans toutes les entreprises de la RDA fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Ce fut la révolte du 17 juin 1953. Les manifestants demandèrent d’abord, que les normes soient rabaissées, puis le retrait du gouvernement et l’instauration de nouvelles élections.Parti d’une manifestation, il se développa en quelques jours une révolte touchant pratiquement toutes les couches de la société. Cette révolte fut rapidement et brutalement étouffée par l’armée rouge venue en aide.

 Les tanks soviétiques à Berlin-Est contre la révolte du 17 juin 1953 (Source : Archives fédérales / Wikipedia)

Même si fin 1953, la situation n’était pas si explosive que six mois plus tôt, ce fut cependant la raison profonde pour laquelle le jeune Hugo Salzmann quitta sa ville natale de Bad Kreuznach et la famille Salzmann qu’il venait de retrouver, pour rejoindre l’Allemagne de l’Est.

C’est avec sans doute des sentiments mitigés, qu’Hugo Salzmann vit partir son fils pour la RDA. D’un côté, il se réjouissait que ce dernier choisisse le sol allemand devenu le premier, la patrie « des travailleurs et des paysans » ;  d’un autre côté, il devait reconnaitre qu’il n’avait pu offrir à son fils, la chaleur d’un foyer, que ce dernier était en droit d’attendre de lui après tant d’années de séparation. L’émigration en RDA constituait également un échec personnel partiel pour Hugo Salzmann.

Les échecs politiques eux aussi ne tardèrent pas. Le KPD perdant de plus en plus d’influence sur la vie politique et sociale de la RFA, il ne lui était plus possible à lui seul, de prendre des mesures efficaces. En quatre ans, de 1948 à 1952, il avait perdu presque la moitié de ses membres. Leur nombre devait se réduire de nouveau de moitié dans les quatre années qui suivirent.

Pourtant, sur le plan local, à Bad Kreuznach, Hugo Salzmann obtenait un certain succès. Au bout de six années, il avait obtenu que le monument pour les victimes du fascisme prévu pour 1948, soit inauguré au cimetière de Bad Kreuznach début 1954. Les discours prononcés lors de cette inauguration n’ont pas été transmis. Seul celui existe encore, celui qu’Hugo Salzmann y avait prononcé,  quelques semaines auparavant pour le jour des morts de 1953.

Discours d’Hugo Salzmann prononcé le jour des morts de 1953 au monument pour les victimes de la guerre et du fascisme, au cimetière central de Bad Kreuznach

Les édiles de la ville ont mis 6 ans pour édifier un monument à la mémoire de ceux qui, dans les moments les plus terribles de notre histoire, de notre nation allemande toute entière, ont fait preuve de bravoure et de force de persuasion et fait opposition dans le domaine politique religieux ou dans la question raciale. Ce monument est terminé depuis peu, même s’il n’a pas encore été « révélé » Il représente une jeune femme en deuil, et une mère déjà âgée, marquée par la souffrance et la peine. Le sculpteur de Bad Kreuznach, Steiner, n’a pas seulement réalisé une œuvre d’art  - non – Cette jeune femme, cette vieille mère, elles portent toute la souffrance de ce qui est arrivé sur leurs visages, et dans leur attitude. Même leurs mains expriment leur souffrance inconcevable.

L’artiste a sculpté dans son œuvre, ce qu’il ressentait intérieurement. Un chef d’œuvre comme on n’en trouve guère dans notre pays.
Encadré de hauts sapins verts, le monument apparait, simple et émouvant.
À gauche et à droite du monument reposent les restes de 36 victimes non identifiées, venues d’Allemagne et d’autres pays d’Europe, qui furent forcées de rester là, privées du repos dans leurs pays. Fin 1944, elles venaient du camp de concentration itinérant  d’Oranierung – Bauzug Nr. 11 –.

 

Monument pour les victimes de guerre et du fascisme au 
cimetière centrale de Bad Kreuznach (Source : privée)

Un autre point fort du long travail de plusieurs années d’Hugo Salzmann en tant que conseiller municipal, fut l’inauguration du nouveau « vieux pont » sur la Nahe. Le lundi 16 juillet 1956, comme l’indiquait dès le lendemain la une du journal « Allgemeine Zeitung », ce fut une journée importante pour Bad Kreuznach
.

Inauguration officielle du nouveau « vieux pont » sur la Nahe, du 16 juillet 1956
à Bad Kreuznach (Source : privée)

L’inauguration du « vieux pont » devait être le dernier évènement public d’Hugo Salzmann en tant que conseiller municipal. Un mois seulement plus tard, le jugement du tribunal constitutionnel fédéral  interdit le KPD. Par le jugement du 17 août 1956, il répondait à la demande du gouvernement fédéral du 22 novembre 1951. Il stipulait que : le parti communiste allemand était non conforme à la constitution et devait être dissous, que la création d’organisations de remplacement était interdite, et que les biens du parti devaient être confisqués et répartis par le gouvernement fédéral au profit de projets d’utilité publique.

Ce jugement ayant « force de loi », rendait illégale toute forme de parti communiste organisé ainsi que toute activité politique communiste en RFA. Il incluait tous les organes de la constitution, les tribunaux, les administrations fédérales et des Länder. La loi ne devrait être appliquée ni à Berlin-Ouest, ni en Sarre car celle-ci ne faisait pas encore partie de la RFA.

Par ce jugement, Hugo Salzmann perdit son poste de conseiller municipal de Bad Kreuznach

Cependant, cela ne suffit pas. Les convictions communistes d’Hugo Salzmann servirent, dans un autre contexte, à prendre des mesures contre lui.  Le No 2, paragraphe 1 article 6 de la loi fédérale concernant les indemnisations de victimes des persécutions nazies (BEG) en fournit une possibilité. Ce règlement permettait de supprimer les indemnisations en raison d’activités portant atteinte à l’ordre démocratique libéral.

6 paragraphe 1 No 2 – BEG –

« Est exclus des droits à l’indemnisation toute personne qui s’opposerait à l’ordre démocratique libéral après le 23 mai 1949 »

 

Le ministère de l’intérieur de la Rhénanie Palatinat considéra Hugo Salzmann comme un opposant puisqu’en mai 1955 (cependant avant l’interdiction du parti communiste), il avait participé en tant que conférencier à deux réunions du KPD dans la région de Bad Kreuznach. On lui reprocha aussi d’avoir reçu un journal communiste de la Sarre, jusqu’à ce que le KPD y soit là aussi interdit.

Afin de prouver son engagement antifasciste et pour la démocratie, il demanda à beaucoup de ses compagnons de route – certains depuis des décennies – de ses collègues de travail, de syndicalistes, de politiciens communaux, d’anciens amis du parti et d’adversaires politiques, de témoigner pour lui de sa bonne réputation. Ils confirmèrent son engagement des années durant, pour les défavorisés sociaux, ses objectifs syndicalistes, pour la reconstruction démocratique après 1945 ainsi que son attitude correcte et collégiale dans les commissions communales. 

Tous ces témoignages exprimés avec sympathie ont dû faire beaucoup de bien à Hugo Salzmann. Il parait cependant incertain, que ces explications aient véritablement influencé la décision d’exclusion. Un an et demi plus tard en effet, l’administration des indemnisations  reconnut que le simple fait de lire un journal ne constituait pas en soi une « lutte » contre l’ordre démocratique libéral.

Sans le lui avoir annoncé, et sans autres commentaires, Hugo Salzmann toucha une modeste somme d’indemnisation, et il put conserver les paiements déjà versés.