Chapitre 2: Ce et jeunesse à KreuznacEnfanh

Lorsqu’Hugo Salzmann nait en 1903, Kreuznach est une petite ville de province du Rheinland. L’histoire de sa famille est très tôt liée à cette ville. Nous pouvons remonter jusqu’en 1750 du côté maternel.                                           
À la fin du XVIIIème siècle, Kreuznach fut occupée pour la première fois par les Français. Cette région à gauche du Rhin obtint sous l’empereur Napoléon une administration moderne et des instances judiciaires. 

Après le règne napoléonien et dans le cadre du Congrès de Viene en 1815, ce territoire passa sous contrôle prusse.

Carte de la province prussienne du Rhin incluant Kreuznach. 

C’est au moment de l’industrialisation de la vallée du „Nahetal“ dans les années 1860/70, que le grand-père paternel d’Hugo Salzmann vient au monde. Il se fit souffleur de verre. À partir de 1880, il vécut et travailla  à Kreuznach.   

Le grand-père vécut le capitalisme dans son côté social à Kreuznach. Les souffleurs de verre étaient des ouvriers qualifiés recherchés, dont la capacité de travail était non-négligeable. Leur position économique et sociale était donc au-dessus de la moyenne. À la verrerie de Kreuznach, la direction de l’entreprise se montrait sociale : elle autorisa la construction de 6 logements ouvriers (dont 5 sont encore habités dans la rue Planiger). Ces „bienfaits“ n’étaient que la contrepartie de conditions de travail extrêmement difficiles. Les souffleurs de verre devaient se relayer sous une chaleur intense et effectuer un travail pénible. Les risques pour la santé étaient énormes et l’espérance de vie dans de telles conditions de travail était bien  basse.

Très tôt, le père d’Hugo Salzmann, Peter, s’était familiarisé avec ce milieu et ces conditions de travail. Dès l’âge de neuf ans, il aidait son père à la verrerie.

Habitué à ce travail et à ce poste en tant qu’enfant, il marcha dans les pas de son père et devint également souffleur de verre à la verrerie de Kreuznach. Les conditions de travail restèrent très difficiles et les ouvriers étaient maintenus sous pression. Chacun devait déclarer, lors de son embauche, qu’il était „entièrement d’accord“ avec  le règlement de la fabrique et qu’en cas de participation à une activité sociale ou syndicale –et cela valait aussi en dehors de la fabrique – il devait s’attendre à une résiliation immédiate du contrat de travail „sans que le délai de préavis réglementaire ne soit respecté ». Un mouvement de protestation contre ce règlement abusif ne se forma qu’au début des années 1890 avec la formation d’une union locale du parti Social-démocrate allemand (SPD) à Kreuznach. 

Peter Salzmann était lui aussi syndicaliste et engagé dans le SPD - seulement, il ne fallait pas que  la direction de l’entreprise en ait connaissance -. Il y avait de nombreux avertissements. En 1893, l’avertissement suivant fut prononcé: 

Lettre de menace de la verrerie.

„Nous rendons public par la présente,  le fait que nous tenons de diverses sources, qu’un bon nombre de nos ouvriers fréquentent des agitateurs sociaux-démocrates et adhèrent à des associations de souffleurs de verre d‘Allemagne. Nous informons, qu’il est interdit à tout ouvrier, tenant à son  poste de travail, de fréquenter ce genre de personnes et ce type d’associations; puisque nous sommes tenus de prendre  soin de chaque ouvrier. Des actions contraires à ce règlement seront sanctionnées d’un renvoi immédiat. “

 

Cet avertissement fut immédiatement suivi d’actes, et la direction de la verrerie fit usage abusif de son droit de renvoi.  
Le père d‘Hugo Salzmann, Peter, épousa en 1901 à Kreuznach  Anne Rose, qui venait de la région autrefois appelée Lagrange-Monhofen (aujourd’hui réappelée Manom de Thionville, située en Lorraine française).
 
De cette union naquirent 6 enfants, un enfant mourût très jeune. Hugo, né en 1903, était le second. La famille habitait dans la cité ouvrière de la rue Planiger. Hugo allait à la Volksschule à Kreuznach. Il a onze ans lorsque la première guerre mondiale éclate. Son père partit à la guerre.
 
Sa mère resta à Kreuznach et eût bien du mal, en cette période de guerre, à se nourrir ainsi que ses cinq enfants en bas-âge.
 
Pour les soldats combattant dans les tranchées et pour leurs proches restés dans leur ville natale, la guerre était une catastrophe. Les généraux et autres hauts fonctionnaires militaires en revanche avaient la vie belle. . Tout près de la famille Salzmann, qui se trouvait dans le besoin, à Kreuznach ; au dit  « grand quartier général »,  à l’hôtel Oranienhof,  on passait du bon temps. Le général des forces armées Paul Von Hindenburg y célébra son 70ème anniversaire, avec quelques invités d’honneur – l’empereur Wilhelm II s’y était rendu en personne – ainsi qu’avec la population de Kreuznach, en 1917.

 Le 70ème anniversaire du général des forces armées 
von Hindenburg à Kreuznach.

La mère d’Hugo Salzmann vécut assez longtemps pour voir revenir  le  père de la Guerre.  Il avait survécu – deux millions de soldats étaient tombés.
 
Elle-même avait survécu – 800 000 personnes restées au pays, étaient mortes de faim. Mais les années de guerre avaient  épuisé ses forces. Elle mourût d’une tuberculose, une phtisie comme on appelait cette maladie des pauvres et des faibles à l‘époque, à l’âge de 39 ans, en 1919.

Le père d’Hugo Salzmann se retrouve sans travail la même année. Car fin Septembre 1919, la verrerie de Kreuznach met la clé sous la porte. La situation de la famille Salzmann devient désespérée en raison du chômage du chef de famille et de la mort de sa femme, mère de cinq enfants.